05/09/2014

Quels moyens juridiques pour vous faire respecter la loi, Monsieur le Maire ?

La réforme des rythmes scolaires suscite, on le sait, un débat largement politisé. Certains élus, dont Nicolas Dupont-Aignan , ont même décidé de cadenasser l’école le mercredi matin, affirmant ainsi leur refus de la réforme... 

Roseline Letteron professeur de droit public à l'Université de Paris-Sorbonne (Paris IV). expose les problèmes juridiques :
  • L’illégalité de cette fermeture ne fait aucun doute. La liberté de l’enseignement comporte le droit à l’instruction, formellement mentionné dans le Préambule de 1946 qui a valeur constitutionnelle
  • L’article L 211-1 c. educ dispose aujourd’hui que l’éducation est un service public national dont l’organisation et le fonctionnement sont assurés par l’État, « sous réserve des compétences attribuées aux collectivités territoriales pour les associer au développement de ce service public ».
  • La définition des rythmes scolaires appartient exclusivement à l’État, puisqu’il s’agit d’une question d’organisation et de fonctionnement du service public (art. L 211-1 c. educ.). Le décret du 24 janvier 2013 a donc mis en place une réforme qui s’applique sur l’ensemble du territoire, garantissant ainsi l’égalité devant le service public. Il revient au maire de mettre en œuvre la réforme, notamment en organisant les activités périscolaires des enfants. En tout état de cause, il n’est pas compétent pour les dispenser des cours du mercredi matin.
  • l’argument selon lequel les communes sont propriétaires des « murs » de l’école n’entre guère en ligne de compte. 
  • Le Conseil d’État rappelle que le maire ne peut modifier l’usage ou l’affectation des locaux d’enseignement sans obtenir au préalable l’autorisation de l’État. Le droit de propriété sur les murs de l’école est  oblige la commune à se soumettre aux contraintes du service public. Tel est bien le cas en l’espèce, puisque la fermeture décidée par les maires emporte un changement d’affectation de l’immeuble et porte atteinte au principe d’égalité devant le service public.
  • le maire doit appliquer la loi en permettant la mise en œuvre de l’obligation scolaire le mercredi. Le préfet est donc fondé à se substituer à lui et à faire ouvrir les écoles.
  • La fermeture de l’école est, on l’a vu, grossièrement illégale, et le droit à l’instruction est effectivement une liberté individuelle. En cas de défaillance du préfet, les parents d’élèves pourraient sans doute s’adresser au tribunal pour qu’il fasse cesser la voie de fait en ordonnant la réouverture de l’établissement.
Les procédures d’urgence
  • Devant le juge administratif, il est possible d’utiliser la procédure du « référé-liberté » (art. L 521-2 cja) qui permet d’obtenir du juge « toute mesure nécessaire » à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle l’administration a porté atteinte de manière manifestement illégale. 
  • Le droit à l’instruction, et plus précisément le principe d’ "égal accès à l’instruction" a valeur constitutionnelle (décision du Conseil constitutionnel du 11 juillet 2001).
  • Là encore ces procédures pourraient parfaitement être utilisées par les parents d’élèves.

L’action disciplinaire
  • L’article L 2122-16 CGCT prévoit des procédures de suspension et de révocation à l’égard des élus ayant manqué à leurs obligations. C’est précisément la menace de ces sanctions qui avait mis rapidement fin à la fronde des maires refusant de célébrer des mariages entre personnes de même sexe.